Dessin de Len paru dans Ouest-France dans article sur les journées du Cinéma de Nantes.
Collection Geneviève et André Martin.
A l'occasion du 30e anniversaire du décès d'André Martin, Gamca revient sur 50 ans de son parcours.
Après "Les années bordelaises" (Lire sur https://www.gamca.info/post/plaisirs-d-archive-durent-un-moment-tous-les-voyageurs-changent-de-train-1), voici "Des journées pour le cinéma" .
Montée à Paris
Geneviève de la Vaissière monte à Paris en 1950 pour continuer ses études de musique au conservatoire. André Martin l’accompagne. Il travaille chez Publicis comme concepteur (1). André Martin écrit également des livres pour enfants, des scénarios de bandes dessinées illustrées par Michel Boschet aux éditions Fleurus. AM, qui "rêvait d'emprunter un passage souterrain et de ne pas le rendre", a réalisé également des livrets de devinettes avec son lot de calembours aux éditions Fleurus. André Martin n'est jamais loin du burlesque.
Couverture d'un livret de devinettes des éditions Fleurus conçu par André Martin.
Collection Geneviève et André Martin
André Martin et Michel Boschet écument la vingtaine de ciné-club parisiens. AM est vite reconnu comme un des orateurs des débats post-projection. Il y défend l'animation considérée comme un sous-produit dans les ciné-clubs. C’est lors de ces séances que MB et AM font la connaissance de Pierre Barbin qui anime le ciné-club de Versailles. Pierre Barbin reconnait en André Martin le présentateur idéal pour animer les séances de ciné-club du mardi dans l'un des cinémas Edeline(1).
Les Journées du cinéma
Début 1951 André Martin, Michel Boschet et Pierre Barbin, membre de la nouvelle Fédération Centrale des Ciné-Clubs, envisagent l'organisation de manifestations d'un type nouveau qui allaient devenir les" Journées Du Cinéma".
Il s'agit d'atteindre ponctuellement l'ensemble du public d'une ville en restituant au Cinéma une couleur et un attrait que des années d'habitudes lui avait fait perdre.
Le cinéma d'animation, "cinéma de synthèse" qui n'est encore que le dessin animé y occupe bien sûre une place de choix mais le cinéma, "cinéma d'enregistrement", y est également présent aussi bien avec des grands classiques que des films de jeunes cinéastes à découvrir.
Les premières expériences se font à Versailles et également à l'aide d'une camionnette qui sert de moyen de projections itinérant. Le cinéma descend dans la rue et touche un public populaire.
André Martin faisant son boniment devant une camionnette Citroen H1 qui servait à faire des projections ambulantes au milieu du public des villes visitées. - En haut à gauche en costume cravate : Pierre Barbin.
Photographie collection Geneviève et André martin.
Le 14 Novembre 1951 l'Association "Les Journées du Cinéma » est créée par André Martin, Michel Boschet, Pierre et Gisèle Barbin.
La formule est lancée et le même mois à Versailles, des vedettes de l'époque sont membres du Jury du Concours de Vitrine : Serge Reggiani, Pierre Trabaud, Raymond Bussière et Brigitte Auber.
Les salles de cinéma sont vides car les spectateurs sont à l'extérieur ? Qu'à cela ne tienne, les journées du cinéma vont les chercher dans les squares, dans les rues !
Papier à Entête et pied de page des Journées du Cinéma de Versailles
Novembre 1951 Membres du Jury du Concours de Vitrine : Serge Reggiani, Pierre Trabaud, Raymond Bussière et Brigitte Auber.
Images collection Geneviève et André Martin.
L'équipe des journées à Versailles filmant l'évènement des journées en extérieur. Le cinéma est dans la rue ! On reconnait Michel Boschet derrière la caméra. - Collection Geneviève et André Martin.
La formule des journées du Cinéma rencontre un franc succès.
Cette confrontation d'œuvres confidentielles avec le public populaire des "villes de province" suscite l'intérêt. Concours de vitrine chez les commerçants, élection de Miss Cinéma, projections itinérantes, expositions, séances de projections et de présentations spectaculaires séduisent le public. On projette Norman McLaren à la sortie des usines, Alexandre Nevski devant des murailles d’époques.
Photographies Collection Geneviève et André Martin : Couverture du livret des journées de Carcassonne, Affiche des JDC de Troye en juin 1953. Programme des journées de Carcassonne. Documents collection Geneviève et André Martin.
André Martin y captive l'audience ... L'équipe des journées remplit les salles (2) !
André Martin présente l'exposition durant les journées du cinéma d'Amiens.
Image Collection Geneviève et André Martin
Les notables sont tous présents pour l'évènement : ici le maire, le député, l'évêque et le préfet sont initiés au précinéma au journées du cinéma d'Amiens dans le cadre de l'exposition organisée à cette occasion.
André Martin présente des appareils du précinéma aux Journées d'Amiens.
Photographie collection Geneviève et André Martin.
Le spectacle que donne l'équipe possède un esprit forain et spectaculaire (3) pour captiver un large public.
Michel Boschet et André Martin explique le Cinéma d'animation dans un spectacle burlesque.
Image Article 1956-12-14 du Dauphiné Libéré sur les JDC de Valence. Collection Geneviève et André Martin
Michel Boschet faisant un numéro de lasso pour illustrer le mouvement.
Photographie collection Geneviève André Martin
François Truffaut dans un court article dans les cahiers du cinéma repris dans le bulletin des journées du cinéma de fin 1954 souligne l’intérêt des présentations d’AM et MB :
« En soirée, c’est un festival de dessin-animés. Chaque bande est présentée par André Martin et Michel Boschet; comme nos amis ne sont pas de ceux qui conférencient, ils ont mis au point un étonnant numéro au cours duquel ils sautent, tombent, dansent en un mot : s’animent. J’ai le sentiment d’assister à quelque chose comme l’éclatement de la critique. Il ne suffit plus d’écrire ou parler sur le Cinéma, il faut citer les images … Bref, tout cela est passionnant et, de ce numéro où l’influence des frères Marx est visible, on retire l’impression d’une chose plus sérieuse, plus intelligente, plus fructueuse enfin qu’une conférence d’Henri Agel. » (4)
On peut se faire une idée de ce spectacle en visionnant Septième Art Bis (5).
Dans une France où la fréquentation des salles de cinéma est inférieure aux pays limitrophes, les directeurs de salles ravis accueillent les bras ouverts l’équipes des journées.
André Martin, Michel Boschet et Pierre Barbin sillonnent la France en présentant des courts métrages de prise de vue réelle et d’animation, des longs métrages de jeunes créateurs, à découvrir des films en version originale sous-titrée ce qui n’était pas commun à l’époque. En Décembre 1954 déjà 11 000 km parcourus et 487 000 m de films projetés !
Décembre 1954 programme d'une séance de prjections au CNC.
Document Collection Geneviève et André Martin
Le succès est tel que les "journées arrivent" à Cannes, en 1955.
Alors que le festival de Cannes fête les 60 ans du cinéma (1894) , André Martin, frondeur y programme les pantomimes lumineuses d’Emile Reynaud (1892) , créées deux ans avant l’invention du cinéma ! Ces présentations et l’exposition organisée par Michel Boschet sont un succès.
1955 05 06 Hommage aux Pionniers du Cinéma d'Animation - Document collection Geneviève et André Martin
André Martin à Cannes en 1955 - Collection Geneviève et André Martin
L'équipe des journées du Cinéma s'étoffe dans la deuxième moitié des années 50. Raymond Maillet, un ami de régiment de Michel Boschet, suite à la fermeture du cabaret de la rose rouge 76 rue de Rennes et quelques petits boulots, rejoint les journées du cinéma en 1956 (6). Il accompagne Michel sur la mise en œuvre des expositions. Edouard Chamard rejoint également l'équipe pour l'accueil du public et des personnalités.
1956-57 Les Journées d'Avignon : Edouard Chamard, Agnès Varda, André Martin, Jacques Maillet, Pierre Philippe, Raymond Maillet - Photographie Collection Geneviève et André Martin.
Un festival d'un genre nouveau : Tours
En septembre 1955, l'équipe crée le festival international du court-métrage de Tours. Ce festival est organisé par l'Association Française pour la Diffusion du Cinéma en collaboration avec la Préfecture, le Conseil Général d'Indre et Loire et la mairie de Tours. Ce festival a la particularité, pour l'époque de ne projeter que des courts-métrages, format singulier moins connu du grand public, où la créativité et l'Art sans concession est Roi.
1955 André Martin avec une jeune photographe de 27 ans dont le sublime premier long-métrage solaire "La pointe courte" a été projeté aux Journées du cinéma, Agnès Varda, devant l'Olympia à Tours.
Photographie Collection Geneviève et André Martin
Ecriture, les fondamentaux.
En Mars 1952 AM cosigne avec Michel Boschet un premier article militant sur le cinéma d’Animation "Dessin animé & Pesanteur" publié dans le no 6 de la revue "l'Age du cinéma ».
Couverture L'âge du cinéma no 6 paru en 1952 et première page de l'article Dessin animé et pesanteur. Collection Geneviève et André Martin
On retrouve dans cet article beaucoup d''éléments qui caractérise la pensée d'André Martin et de thèmes qui seront présents dans ses articles et dans sa démarche toujours pionnière :
L'attrait pour l'innovation et ses oppositions.
L'irrévérence face aux choses administrées qui freinent la création.
Les références à la musique et ces rythmes pour évoquer les innovations du "film d'animation" (7).
Les rapports entre les images animées et le son.
La critique des critiques qui se consacrent uniquement aux grandes avenues de la consécration au lieu de regarder l'avenir.
Une vision prospective à 20 ans ...qui atteindra même les 60 ans dans les années 60 !
Il y présente également un "catalogue" impressionnant de films d'animation pour illustrer son propos qui fonde un "Art immense" dont le dessin animé n'est qu'une "étroite application".
Au-delà de la théorisation du cinéma d'animation comme Art méconnu... mais "immense", André Martin serait l'inventeur du terme "Cinéma d'Animation" ici représenté en 1952 par le terme "Film d'animation"... On cherche toujours un précédent, en vain.
Le dessin animé n'est pas mort mais vive le "Cinéma d'Animation", il a son nom !
Ecriture, les journées
Comme l'illustre cette encre de Michel Boschet, André Martin est la plume du spectacle et de la fête des journées du cinéma et du festival de Tours.
André Martin alimente en texte la gazette des journées du cinéma.
Dessin de Michel Boschet - Collection Geneviève et André Martin
L'équipe fondatrice des journées signe en avril 1953 son plaidoyer pour les journées du Cinéma dans les Cahiers du Cinéma no 22.
André Martin publie également régulièrement des articles sur les journées du cinéma.
On y retrouve son plaidoyer, déjà présent dans "Dessin animé et pesanteur", pour ces films d'animation "Image par image" trop rarement projetés face à l'écrasant succès de l'industrie des cartoons américains et de leurs personnages célèbres. Il plaide et clame l'importance de ces films méconnus, ces "films de création TOTALE" qu'il s'agisse du patrimoine historique ou des créations contemporaines.
1955 09 23 Les Journées du Cinéma no 13 "Cinéma à une image près" - André Martin-
Document Collection Geneviève et André Martin.
Son intérêt pour la technique, la prospective et l'innovation n'est jamais loin, ici cet article sur le cinéma en relief. L'avenir le confirmera.
1952 12 Le cinéma en relief met l'écran à portée de main -
Document Collection Geneviève et André Martin
On retrouve également des articles sur le patrimoine du cinéma d'animation, ici sur Emile Reynaud "le premier venu" dans l'histoire du Cinéma.
1957 01 12 Les Journées no 23 - André Martin : "Emile Reynaud le premier venu".
Collection Geneviève et André Martin.
Reconnu par les critiques, les producteur, réalisateurs et auteurs sur le cinéma, dont André Bazin co-fondateur des Cahiers du Cinéma, André Martin va publier régulièrement sous sa signature dans les Cahiers du Cinéma à partir de mai 1953.
A suivre !
(1) "André Martin, Ecrits sur l'animation 1" par Bernard Clarens
(2) « Où passe la jeune équipe de ces journées, l’herbe ne repousse plus entre les rangées de fauteuil. » François Truffaut dans la revue Arts.
(3)1983 03 13 "Le cinéma des cinéastes" - émission de Claude Jean Philippe avec André Martin - émission sur le film "Sans soleil" de Chris Marker : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/sans-soleil-de-chris-marker-essai-cinematographique-d-un-homme-multimedia-3676987
(4) Henri Agel était un professeur et un critique de Cinéma.
(5) 1961 Le septième Art bis Réalisation: Jean Manceau. Présentation et écriture : Michel Boschet et André Martin. Production: ORTF - Office de Radiodiffusion-Télévision Française. Emission en deux parties de 27 et 24 minutes.
(6) Lettre d'information de l'AFCA août/septembre 2004
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