117 Plaisirs d'archives durent un moment : L'animation est morte, vive l'animation ! 1ère partie
- Clément Martin

- 15 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 sept.

C'est sous un titre aussi provocateur qu’historique, qu'André Martin lance un pavé dans la marre du Cinéma d’Animation en annonçant, dans une vision prophétique, les bouleversements qui attendent les réalisateurs et les animateurs dans un article paru en mars 1981 dans la revue Banc-Titre. Cette revue dont Thierry Steff a été le créateur et le rédacteur en chef était spécialisée dans le Cinéma d'Animation et ce numéro était consacrée aux images vidéos et numériques.


Mis à part quelques “égarés”, des chercheurs (par exemple voir (1)), et des spécialistes de la publicité ou des clips musicaux, le milieu de l’animation mettra plus de dix ans avant de commencer à appréhender ce changement majeur.
1981 Un forum sur ces nouvelles images
En février 1981 venait d’avoir lieu le premier forum des nouvelles images dans le cadre du festival international de télévision de Monte-Carlo qui fût un succès.

Ce premier forum était un premier aboutissement des efforts passionnés d’André Martin pour développer les nouvelles images en France face au développement extrêmement rapide aux Etats-Unis notamment. Spécialiste du cinéma, de l'animation, de la télévision et des télécommunications suite à ces années passées au Conseil de la Radio Télécommunications Canadiennes, André Martin était l’homme idéal pour rassembler créateurs, chercheurs, informaticiens et professionnels de la télévision autour de ce sujet. Son discours d’introduction marque le départ d’un forum qui pendant plusieurs années accompagnera les développements des nouvelles images en devenant un festival à part entière. Le succès sera tel qu’il jouera un rôle d'accélérateur dans la mise en place du plan image en 1983 par le Ministre de la culture Jack Lang dont l’objectif est de favoriser le développement industriel autour des nouvelles images.
C’est dans ce contexte qu’André Martin jette son pavé dans la marre en alertant les professionnels de l’animation de la révolution en cours dans la création d’images animées avec les moyens électroniques et informatiques.
Qu’il s’agisse des modes de contrôles électroniques ou numériques, André Martin pose la question des outils et de leurs utilisations par les créateurs pour composer des images. Il y a débat entre les ingénieurs et les chercheurs souvent scientifiques qui créent les outils et les créateurs qui n’ont pas forcément toujours accès à une ergonomie qui favorise la création. Ce sujet n’est pas nouveau et on a déjà vu des alliances réussies de créateurs et d'informaticiens comme Lillian Schwartz et Ken Knowlton au laboratoire Bell dans les années 70 (2), (3).
Comme à son habitude André Martin dresse dans son article un paysage encyclopédique précis sur les acteurs de ces nouvelles images et leurs œuvres qui voient à cette époque l’Art vidéo opérer une jonction avec l’Art Numérique dans un feu d’artifice graphique.
Intéressons nous à quelques créateurs cités dans l'article, ce panorama vaut le détour !
Aujourd'hui : Ed Emshiller (1925-1990).

Ed Emshwiller de l'illustration à l'animation par ordinateur
Ed Emshiller a d'abord été illustrateur dans les années 50 notamment pour des revues de science-fiction Galaxy Science Fiction et The Magazine of Fantasy & Science Fiction.


Ed Emshwiller réalise ensuite des films expérimentaux dans les années 60 avec "Thanatopsis" en 1962, "Relativity" en 1966 ou "Image, Flesh and Voice" en 1969.
Ed Emshwiler nous parle de son film Thanatopsis : "Les poses du danseur Becky Arnold créent des clignotements et des vibrations de l'image juxtaposée au visage fixe de Mac Emshwiller. Un film expérimental qui produit et décrit un état d'angoisse. Des battements de cœur et des grincements de scie sur la bande son contribuent à l'intensité de l'effet."
– Ed Emshwiler, Catalogue Paris Films Coop, 1979.
On peut voir le film Thanatopsis sur https://www.youtube.com/watch?v=fyOShDoUqek.
et Relativity sur https://www.youtube.com/watch?v=kyncE3uy5FU
Dans les années 70, Ed Emshwiler se lance dans l'Art vidéo comme d'autres artistes importants de l'époque : Joan Jonas, Nam June Paik et Bill Viola. Il nous offre "Scate-mates".
Toujours dans un registre abstrait Ed Emshwiler crée dans une partie de film une sensation oppressante d'emprisonnement avec un jeu de cadres géométriques qui évoluent sur un nuage chaotique de couleurs vives, d'où un doigt, une main, un bras errant cherche à sortir de ce magma bouillonnant au travers des cadres, le tout sur un bruit de fond où on perçoit des voix par moment.


On peut voir un extrait du film sur https://www.youtube.com/watch?v=0d0bIQSUZUY
On peut voir un autre extraits du film mais la copie est très mauvaise sur https://www.youtube.com/watch?v=e4ufmyRniQI
Avec Crossing and meetings, Ed Emshwiler propose un jeu chorégraphique de personnages en marche avec des répétitions et des mouvements inverses grâce à l'utilisation de mémoires de trame (frame buffer) vidéo.

On peut voir le film sur : https://www.youtube.com/watch?v=61bUm-PA5ww
Mais c'est avec Sunstone (1979) qu'Ed Emshwiler marque l'histoire de son empreinte avec l’une des premières œuvres d’animation par ordinateur conçue au Computer Graphics Lab du New York Institute of Technology. Ce film qui nous propose des métamorphoses de lunes et de soleils utilise la projection d'images électroniques au moyen de l'animation en 3 dimensions sans oublier un passage abstrait de marche que l'on peut voir, à nouveau (3), comme un hommage moderne à Jules Marey et la chrono-photographie. Un petit bijou.


On peut voir le film sur https://www.youtube.com/watch?v=tMW15OajuKc
Non l'animation n'est pas morte ! Les techniques numériques ont été adoptées par les cinéastes d'animation. Nous avons même parfois un heureux mariage des outils numériques et des techniques traditionnelles. Il n'en demeure pas moins que les pionniers de l'époque ont montré une voie parfois faite de hasards et d'expérimentations qui ont donnés lieu à une explosion créative qui contraste avec des rendus de logiciels d'aujourd'hui parfois un peu convenus.
GAMCA Animation reviendra prochainement pour découvrir d'autres artistes de l'époque cités dans l'article d'André Martin ...
A suivre !
(1) 106 Plaisirs d'archives durent un moment : Découvrir la disparition
(2) 91 Lillian Schwartz : du motif au mouvement
(3) 23 Naissance du cinéma Informatique 2e partie : Les années 60 et les pionniers du numérique.






Commentaires