Les pionniers avec leurs systèmes qu'ils soient électroniques, photo-mécaniques ou calculateurs analogiques ou encore systèmes d'affichage, ont exploré les voies d'un cinéma expérimental innovant qui nous fait penser aujourd'hui que ces pionnier étaient déjà prêt 20, 30, 40, 50 ans avant à explorer les possibilités qu'allaient offrir l'informatique et les images numériques. voir https://clementmartin75.wixsite.com/cinemadanimation/post/naissance-du-cinéma-informatique-1ère-partie-des-pionnières-et-des-pionniers
Mais l'histoire ne faisait que commencer. André Martin a poursuivi dans son article l'inventaire de la genèse de la naissance de l'image numérique ....
Si on attribue à John Whitney le premier ordinateur analogique avec sa machine, aux techniques electro-mécaniques dans les années 50 (voir article "la ville" à témoin sur https://clementmartin75.wixsite.com/cinemadanimation/post/la-ville-à-témoin), des pionniers de l’image par ordinateur émergent dès les années 60.
La firme Bell Labs a créé en 1948, le transistor est créé par (grâce aux ingénieurs John Bardeen, Walter Brattain et William Shockley). Il a permis dans les années 50 de rendre les ordinateurs moins encombrants, moins gourmands en énergie électrique donc moins coûteux : c'est la révolution dans l'histoire de l'ordinateur !
D'autre part Texas Instruments a mis au point en 1958,le circuit intégré qui va encore réduire la taille et les coûts des ordinateurs durant les années 60.
Lee Harrison (1929–1998) et le système Animac
Image : http://www.scanimate.com/Pics/Animac.jpg
Lee Harrison construit un ordinateur d’animation graphique « Animac » à partir de fin 1959 qui sera développé jusqu’en 1964. Ce système permettait un habillage sommaire à partir de coordonnées obtenus par rotoscopie.
Images : Actrice avec les capteurs de mouvements, les écrans de contrôles permettant d'obtenir l'image numérique associée.
sources : https://www.vice.com/en/article/wnkbzz/this-is-what-1970s-motion-capture-tech-looked-like et : http://www.vasulka.org/Kitchen/PDF_Eigenwelt/pdf/092-095.pdf .
Lee Harrison a poursuivi ainsi avec de nouveaux moyens la quête du mouvement humain chère à Etienne Jules Marey dès les années 1870.
Etienne Jules Marey (1830-1904) Capture du mouvement en chronophotographie
Ivan Sutherland (1938 - )
Ivan Sutherland est souvent considéré comme le créateur du « Computer Graphics ». En 1963 dans le cadre de sa thèse de doctorat au MIT « Sketchpad, A Man-Machine Graphical Communication System » il crée un langage qui permet la gestion de la première interface graphique de l’histoire. Ce système a été mis au point sur un ordinateur datant de 1956 le Lincon TX-2 qui à l’époque était une machine innovante avec une capacité mémoire importante : 64K octets. :-). Ce système gérait également un stylet lumineux qui interagissait avec un écran.
Pour lire la thèse : https://dspace.mit.edu/handle/1721.1/14979
Ivan Sutherland mis au point son langage de contrôle qui permettait de tracer des lignes rectilignes ou des arcs de cercle pour composer des figures et de modifier la position des sommets pour déformer celles-ci en fonction de calculs topologiques soit directement sur l’écran soit sur une « tablette ». Une ensemble de boutons permettaient de contrôler le tracé avec des fonctions de type effacer, bouger, etc... (Voir THE VERY BEGINNING OF THE DIGITAL REPRESENTATION – IVAN SUTHERLAND SKETCHPAD. 13/12/2018.
Photographies :
Ivan Sutherland using Sketchpad in 1962 - https://history-computer.com/sketchpad-complete-history-of-the-sketchpad-computer-program/
Tracé direct à l’écran à l’aide du stylet lumineux in https://gfycat.com/fr/gifs/search/sketchpad
André Martin nous décrit l’importance des travaux de Ivan Sutherland : « Ivan Sutherland semble être le premier à avoir compris comment les ordinateurs pouvaient aider ses contemporains à visualiser, à comprendre, à rêver. C’est à partir de ces travaux qu’émerge l’idée nouvelle de dessiner directement sur l’écran cathodique, de manipuler l’image ou une de ses parties, de moduler les éléments repérables et de les réemployer à n’importe quelle échelle ou place. »
On peut voir un film d’époque de démonstration de sketchpad sur you tube : « Ivan Sutherland Sketchpad Demo ».
Cette première interface graphique annonçait les futurs logiciels d’animation qui allaient suivre. Sutherland, visionnaire, avait bien prévu les développements possibles de son travail en animation. Voici ce qu'il écrit en 1963 p.130 en conclusion de sa thèse : "Sketchpad need not be applied only to engineering drawings. The ability to put motion into the drawings suggests that it would be exciting to try making cartoons. The capability of Sketchpad to store previously drawn information on magnetic tape means that every cartoon component ever drawn is available for future use ».
Réalité augmentée
Ivan Sutherland a travaillé également sur de nombreux sujets innovants dont … la réalité virtuelle. André Martin ne souligne pas ce point dans son article mais à une époque où il y a une catégorie Réalité Virtuelle à Annecy on ne résiste pas à l’envie d’en dire quelques mots.
Historiquement parlant la première trace de réalisations d’un système de réalité virtuelle date de 1962 où Morton Heiling a réalisé un prototype pour un projet d’immersion dans une cabine Sensorama. Cette cabine faisait appel aux cinq sens et permettait au spectateur une immersion dans un film proposé à l’écran.
Imaginé à partir des années 50, Sensorama comprenait un écran en couleurs, des ventilateurs, des émetteurs d’odeurs, un système de son stéréo et une chaise mobile.
Photographie la cabine Sensorama in https://ai-news.ru/2020/05 sensorama_pervyj_v_mire_simulyator_virtualnoj_realnosti_sozdannyj_v_nachale.html
C’est Ivan Sutherland à l’université de l’Utah qui invente à proprement parlé la réalité augmentée avec un groupe d’étudiants en informatique : Bob Sproull, Quentin Foster et Danny Cohen. Ils mettent au point le premier casque d’immersion qui permettait la superposition d’images filmées et d’images graphiques numériques comme un cube en filaire en 3 dimensions.
Surnommé l’épée de Damocles le système voit le jour en 1968.
Voir le film de démo :
Images : https://www.ulyces.co/news/le-premier-casque-de-realite-virtuelle-a-ete-invente-en-1968/
1963 Kenneth C. Knowlton (1931-)
Dans les années 60, les laboratoires Bell est un des endroits les plus innovants de la planète qui regroupe des chercheurs du monde entier. On doit à ce laboratoire de nombreuses découvertes parmi lesquelles le transistor, le système d’exploitation Unix ou encore le téléphone cellulaire.
En 1963 Ken Knowlton travaille aux laboratoires Bell et développe le langage de programmation BEFLIX (Bell Flicks) produisant des animations de « bitmaps » (tableaux de pixels) en utilisant un ordinateur IBM 7094 et un enregistreur de micro-films Stromberg-Carlson 4020.
A l’aide de ce premier langage d’animation par ordinateur K. Knowlton réalise un premier film de 10 mn en 1963 : « A Computer Technique for the Production of Animated Movies ». Ce film d’animation en 8 degré de gris avec une résolution de 252 x184 explique les principes techniques du système permettant sa réalisation à l’aide de codes Ascii générés par Beflix. On peut voir le film sur https://www.historyofinformation.com/detail.php?id=3467 et sur Youtube.
On peut voir le film sur https://www.historyofinformation.com/detail.php?id=3467 et sur Youtube.
En 1966, Ken Knowlton et Leon Harmon expérimente la photo-mosaique avec de larges impressions construites à partir de symboles ou d’images.
Photographie Nokia Bell Labs : Ken Knowlton et Leon Harmon.
Dans leur étude de « Perception I » Ils numérisent des photographies de nue de la danseuse Deborah Hay puis convertissent l’image en associant des symboles en fonction de la densité. Un alphabet de 11 symboles étaient utilisés. 3 de ces symboles pouvaient être l'objet d'une rotation pour rompre la monotonie du résultat.
Image : Symboles utilisés pour le rendu in https://jimboulton.medium.com/studies-in-perception-a-restoration-story-241cd8c75ab1
Les bureaux des ingénieurs s’encanailleraient-ils ? Ces premières réalisations fondées sur des motifs (patterns) ne nous emmèneraient-elles pas tranquillement vers de nouvelles formes d'art ? Le New York Times le 11 Octobre 1967 célèbre immédiatement cette alliance de l'art et de la science.
Image : article du NYT in https://jimboulton.medium.com/studies-in-perception-a-restoration-story-241cd8c75ab1
Une impression est présentée à une des premières exposition d’art par ordinateur : « The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age », au musée d’art moderne de New York en 1968.
Aujourd'hui cette image a sa place dans les galeries d'Art Moderne.
Image exposition en 2017 à la galerie Bonner Kunstverein. Photo: Anne Pöhlmann
images : 1966 computer-generated nude - Harmon and Knowlton - Nude
Stan Vanderbeek (1927-1984)
Cet artiste expérimental rejoint Ken Knowlton aux laboratoires Bell en 1965. Il réalisera avec Ken Knowlton une série de courts-métrages Poem fields no1 à no 8 au milieu des années 60 en utilisant Un package « Tarps » à base du langage Beflix que lui a développé K. Knowlton pour que Stan Vanderbeek puisse réaliser ces films de manière autonome. Des textes fournis à la machine sont retravaillés de manière rythmique et graphique et mis en musique. Avec Stan Vanderbeek et l'évolution des langages graphiques, l'image se "pixelise", se colore, se synchronise avec la musique. Une utilisation de motif un peu plus agile apparaît permettant des abstractions animées et ouvrant de nouvelles dimensions esthétiques.
Image : Stan Vanderbeek dans https://expcinema.org/site/en/wiki/artist/stan-vanderbeek
Images : Poem Field no 2 in https://lux.org.uk/work/poemfield-2 et Poem Field no7 in https://www.blackmountaincollege.org/vanderbeek-vanderbeek/
Voir Poemfield no 2 (1966 et non 1971 come indiqué sur youtube)
Stan VanderBeek a également réalisé « man and his world » à l’occasion de l’exposition universelle de Montréal en 1967 où André Martin l'a rencontré. Sur le même principe que la série Poemflield avec une succession flash de lettres et de motifs. Peu d’images disponibles, on peut voir le film sur
On peut voir le film sur https://archive.org/details/1967STANVANDERBEEKManAndHisWorld. (serveur très lent).
Lilian Schwartz (1927-) : La participation de nouveaux artistes contribuent au développement des langages graphiques.
En 1966, Schwartz s’intéresse à l’art cinétique. Lillian Schwartz présente une sculpture cinétique et interactive : Proxima Centauri lors de l'exposition « The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age », qui s'ouvre en 1968 au musée d’art moderne de New York. Elle y rencontre Leon Harmon qui l'invite aux Laboratoires Bell. Elle y passera .. 23 ans.
Image : Lillian Schwartz à Bell Labs - http://lillian.com
Lillian Schwartz y trouve un univers riche et créatif avec des chercheurs ouverts, sans préjugés sur le parcours des personnes. Elle y découvre la programmation et l’informatique et collabore avec de nombreux scientifiques dont Ken Knowlton qui développe à nouveau pour des langages de programmation lui permettant de créer des images numériques.
Pixillation 1969 - 4 mn
Ces rencontres donnent un premier film mixant des peintures animées et des motifs générés par ordinateur. Mieux vaut arriver détendu pour la projection où se succèdent des flash hallucinogènes de motifs colorés ou de tâches peintes en mouvements accompagnés par la musique saccadée de Gerhson Kingley qui complète une véritable expérience sensorielle en tension. « Cette écriture plastique » est « attentive aux réponses physiologiques du spectateur ».
La « combinaison atypique de talents artistique et technologique », l’usage de motifs graphiques plus avancés ainsi que de la couleur illustre l’avancée des images numériques rendues possibles par l’usage des langages de programmation.
Images Pixillation 1969 :
Voir le film « Pixillation » sur https://vimeo.com/56480534.
On ne pouvait pas terminer cette deuxième partie sans parler de Norman Mclaren (1914-1987).
Norman Mclaren s'est bien sûr intéressé à ces nouvelles techniques et à leur potentiel. Mais on trouve peu de chose à ce sujet et André Martin n'en parle pas dans son article.
Les seules informations que j'ai pu recueillir à ce jour sont quelques mots de Marcel Jean dans son article d'octobre 2010 "L’ONF par ceux qui l’ont imaginé".
"On doit à McLaren et à Jodoin ce qui caractérise aux yeux du monde la production d’animation de l’ONF : une approche artisanale et expérimentale, un esprit d’innovation surtout qui amène McLaren à réaliser des tests dessinés par ordinateur dès 1967 (Birdling)."
Enquête en court sur ces tests auprès de l'ONF pour en savoir plus.
Photographie collection Geneviève et André Martin : Norman McLaren sur les tests de "Birdlings".
Photographie : https://www.senscritique.com/film/Birdlings/25441769/images
La découverte de cet univers que nous a décrit André Martin va se poursuivre dans la prochaine partie de cet article sur les années 70 . Nous allons assister à une explosion créative dans l'usage de l'ordinateur par des artistes, à laquelle contribuera Lillian Schwartz ; on évoquera également les œuvres de Peter Foldes produite à L'ONF par René Jodoin.
A suivre .... :-)
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