Dans le cadre de la séance "aujourd'hui le cinéma" du 24 février à 21 h 15, Bernard Payen, programmateur à la cinémathèque française, nous présentera avec Francis Gavelle et en présence de la lauréate Florentine Grelier, le film d'animation qui a remporté le prix André Martin du court-métrage au Festival d'Annecy 2019 pour le film « Mon Juke-Box ».
Billets en pré-vente sur le site de la cinémathèque : https://lnkd.in/gH9TcKQ.
Mais qu’est-ce que le Prix André Martin ?
Le prix André-Martin, créé à l’initiative de Francis Gavelle, journaliste, critique de cinéma et programmateur, est organisé par le Festival International du Film d'animation d'Annecy et l'AFCA. Il a été créé en hommage à André Martin.
Le Prix André-Martin récompense chaque année un court métrage et un long métrage français d’animation.
Mais qui est André Martin ?
André Martin (1925-1994) est un critique de cinéma, historien du cinéma d’animation et de ses procédés, réalisateur de films d’animation et de courts métrage et chercheur sur les communications sociales. Il a été l’un des membres fondateurs des Journées du Cinéma, du festival de courts-métrages de Tours et des Journées Internationales du cinéma d’animation (JICA). Les deux premières manifestations ont eu lieu à Cannes avant leur installation à Annecy en 1960. Ces JICA sont ainsi devenus le "Festival d’Annecy » qui fêtera ses 60 ans au mois de juin.
André Martin a été de la fin des années 40 jusqu’aux années 80, un ardent et infatigable promoteur du cinéma d’animation.
Dans sa promotion du cinéma d’animation, il a accordé une attention particulière :
au caractère instrumental de la création,
aux techniques utilisées et à leur évolution,
au « total contrôle opérationnel » permettant la création de l'oeuvre,
au cinéma formaliste.
Il a toujours considéré que l’expérience esthétique générée par ces fondammentaux était un préalable au service du récit et du graphisme pour permettre cette synthèse inventée du vivant que nous offre le cinéma d’animation dans ses oeuvres remarquables.
André Martin a été le programmateur et l’animateur de nombreux festivals et son approche a parfois généré quelques un de ces débats inévitables autour de la sélection des films dans les festivals, Heureusement les palmarès ont été beaucoup moins sujet à controverses. :-)
Le document ci-dessous illustre l’intérêt d’André Martin pour les techniques du cinéma image par image dans un article paru en décembre 1960 « Les principes d'un cinéma à 1 image près » dans le « Cinéma chez soi" no 31. D’autres techniques notamment avec l’utilisation de l’ordinateur sont venues s’ajouter depuis. André Martin les a suivies attentivement et en a été un promoteur visionnaire dans les années 70-80.
Mon Juke-box - 2018
Les techniques au service du récit
Avant de commenter le très beau film de Florentine Grelier et pour être fidèle à la pensée d’André Martin, il est nécessaire de décrire les techniques utilisées qui ont permis la construction de cette création. André Martin aurait adoré ce film car la palette de techniques utilisées permet, dans leur usage ciblé et leurs combinaisons, cette « synthèse opérationnelle de total contrôle » qu’il a recherchée. Le résultat esthétique provoque l’émotion et touche à l’intime dans une oeuvre « remarquable » qui nous offre un récit sensible qui nous enveloppe et nous transporte dans une époque aujourd’hui révolue.
On notera parmi les techniques utilisées :
personnages en papier découpé,
objets animés image par image,
peinture vitrail sur calque,
prise de vue réelle pour les silhouettes humaines et "le" juke-box,
traitements numériques pour la composition, la gestion des lumières, des textures et l'animation sur le progiciel After Effects.
Le film
Le film est construit autour de trois personnages: une jeune femme, son père et un juke-Box Jupiter, cadeau du père à sa fille.
Tout commence par une chanson. La jeune femme veut écouter un vieux rock and roll sur un juke-box que lui a donné son père (Mai 1960 Johnny kidd and the pirates : « shakin’ all Over » - https://www.youtube.com/watch?v=n327ncoU_ZU -) .
Suite à une panne, la jeune femme sollicite son père qui récupère, collectionne, répare et vend des juke box. Cette entreprise de réparation du juke-box, pas gagnée d’avance, est l’occasion pour les trois personnages de se rapprocher et pour la jeune femme d’en apprendre plus sur le parcours fantasque de son père et sur l’époque où elle prend place avec sa musique, ses dispositifs électro-mécaniques, objet aujourd’hui de l’attention de quelques collectionneurs.
Les images du juke-box sont réalisées en prises de vue réelle pour mieux retraduire le côté fascinant de cet objet quand il est allumé, avec ses lumières, ses couleurs, ses transparences, ses chromes et mettre en valeur ses belles et fragiles mécaniques.
Les personnages extérieurs sont des silhouettes secondaires filmées en prise de vue réelles et travaillées au niveau des textures et transparences.
La fille et le père sont représentés en papier découpés avec une animation brut et un rendu coloré et texturé qui met ces personnages au premier plan sans jamais effacer le juke box qui illumine les scènes.
L’ensemble est traité sur after effects pour la composition, la création des « marionnettes » pour animer les personnages à partir des éléments en papier découpés ou dessinés, la gestion des transparences, des textures et des reflets.
Les différentes techniques utilisées pour la représentation des personnages permet de créer ainsi une hiérarchie qui renforce la caractère intime des tribulations de nos trois personnages principaux.
Des documents scannés peuvent être au préalable froissés et travaillés pour leur donner la patine nécessaire à l’atmosphère du film. Les photographies et les objets animées images par image nous offrent un tableau virevoltant où un père raconte son histoire à sa fille en réparant ce vieux juke-box.
Enfin, au delà de la musique, les voix des personnages toutes proches de nous, achèvent de nous inviter dans ce dialogue intime et le partage des souvenirs des années 60 et 70 d’un père bourlingueur et inventif.
C’est là que le cinéma d'animation devient remarquable car il nous immerge dans la recréation de cet univers avec ses 45 tours et leurs musiques, ses automates électro- mécaniques aux organes et liaisons fragiles, ses amplis à lampe au son si chaud, ses condensateurs, ses soudures, ses chromes et ses architectures révolues…
Le film nous ballade dans ce monde baba cool, libre, avec ses bijoux, ses colliers et ses bidouilles pré-numériques pour subvenir à ses besoins.
Mon juke-box joue « shakin’ all Over » :
« When you move in right up close to me
That's when I get the shakes all over me »
Venez voir et écouter "Mon juke-box" à la cinémathèque Française le lundi 24 février à 21h15 et vous saurez comment une fille se rapproche de son père vieillissant et partage son vécu pour le retrouver dans une tendre danse grâce à la complainte d’un vieil automate.
Les peintures vitrail sur calque dans « le plan des souvenirs ».
Florentine Gelier :
- « Qui réparera les juke box quand mon père ne sera plus là ? »,
Clément Martin :
- " Je ne sais pas mais pour faire vivre le cinéma d’animation si chère à mon père … j’ai la réponse !".
A suivre …
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