Francis Gavelle et Bernard Payen, nous ont régalés à nouveau lundi 22 novembre avec une nouvelle séance de "l'animation dans tous ces états" à la Cinémathèque Française.
Photo Clément Martin : Présentation de la séance par Bernard Payen et Francis Gavelle
Parmi cette sélection de courts-métrages français, on a eu le plaisir de voir le tourbillonnant Mondo Domino.
Mondo Domino
Producteur délégué : Suki
Montage : Suki Animation : Gabriel Jacquel, Suki Graphiste : Suki
Scénaristes : Stéphane Debureau, Suki Montage son : Jean-Philippe Gréau, Suki Auteur de la musique : Jean-Philippe Gréau
Interprétation de la musique : Trio DoMiNo Mixage : Jean-Philippe Gréau
Une époque sérieuse
En générale les sélections traitant de thèmes de sociétés avec la nécessaire gravité convenue sont en très grandes majorité sérieuses. La poésie, l'expérimental et l'humour sont parfois présents mais dans l'ensemble les créateurs, les programmateurs, les jury et le marché ont tendance à privilégier l'austère gravité de notre époque sérieuse.
L'humour est certainement le plus rare des ingédients présents dans l'alchimie des réalisations récentes et pourtant, bien mené, il désacralise le sujet, lui donne une liberté pleine de puissance.
Ecologie, Consommation, Médias, Violences policières, Guerre.
Quelle joie de découvrir ce Mondo Domino !
Le film transpire de bout en bout le plaisir de la caricature de notre société.
Suki a voulu que ce film ait un "esprit cartoon" qu'on retrouve dans la désinvolture décalée des attitudes de personnages, dans les grimaces terrorisées hilarantes face aux cataclysmes d'un boléro absurde.
Je rassure tous les "aficionados" de notre époque angoissée et rigoriste, ce film est très sérieux, un plaidoyer pour alerter sur la déforestation, la société de consommation, les dérives des médias d'information continue, les violences policières, les dangers de guerre nucléaire. Un film totalement "Collapsique" où on peut "flipper" à souhait ! Quel plaisir pour les amateurs de déclins et de fin du monde ! Un véritable plaisir car le film est hilarant et renoue avec la tradition de l'irrévérence et de la caricature !
On reconnaît aisément la caricature de personnages de pouvoir qui connaissent des sorts plus ou moins heureux. Les symboles de notre existence s'écroulent sous nos yeux dans un enchaînement cataclysmique que je vous laisse découvrir en regardant le film sur Arte ...
Manifestations et affrontements dans un enchaînement désastreux.
Du décalage pour renforcer l'impression
Le principe de la caricature, au-delà du renforcement des traits, est de s'exprimer dans un contexte décalé moins attaquable mais qui amplifie le message .
Le moins qu'on puisse dire c'est que l'équipe du film a parfaitement réussi !
D'abord la musique. Le trio Domino nous interprète un "hit" connu de tous revisité par Jean-Philippe Gréau , le boléro de Ravel. Des sifflements joyeux, des basses a capella, ou un vibraphone céleste nous transforment l'œuvre de Ravel pour une osmose jouissive avec le scenario ! Le rythme et le tempo invariables de la musique banalisent les évènements et renforcent le déterminisme de l'écroulement qui nous est présenté.
Image https://www.unifrance.org/film/52370/mondo-domino : Le propre de l'esprit de la caricature est aussi de se caricaturer soi-même. Ici le trio Domino en pleine interprétation.
La couleur des images dont le "fluo" au mauvais goût guimauve volontaire s'oppose totalement aux évènements.
L'animation soignée et "cartoonesque" ainsi que le scénario de joyeuses catastrophes terminent le travail pour nous transporter dans un espace universel où les messages profonds sont brièvement masqués par le plaisir et le rire.
Terminées les polémiques, les tristes premiers degrés au profit d'un très bon moment et de ses impressions rémanentes bien plus puissantes que le navrant sérieux.
Joie d'une consommation destructrice de la nature.
Un plaidoyer ancien pour un cinéma d'Animation joyeux
André Martin, à la veille du premier Festival de film d'animation d'Ottawa en 1976, formulait le vœu suivant :
" Je terminerai sur un vœu : que la roue de l'inspiration tourne en 1976 et que disparaissent l'avant-garde ronchonne, le cauchemar concentrationnaire, le dadaïsme triste, les apocalypses résignées, et que l'art des images animées devenu réellement tragique et désopilant, se spécialise dans toutes les formes de triomphes psychologiques : indicible joie de vivre ou forte envie de rire. (source Brochure "Ottawa 76").
Suki l'a entendu ! et on ne peut que l'en remercier.
Mesdames et messieurs les artistes et producteurs et diffuseurs, faites nous rire, soyez joyeux, soyez universels vos messages n'en seront que plus forts !
On peut voir le film sur :
Voir l'interview de Suki sur le film :
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