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  • Photo du rédacteurClément Martin

Festival d'Annecy 2022 : Trop long ou trop court ? 4e partie

Dernière mise à jour : 3 août 2023




Perspectives 2

Once More with Feeling Réalisation Pallavi Agarwala Inde, Royaume-Uni



L'Art au secours de la réflexion et de la critique

Il y a une certaine mode pour le déboulonnage de statues pour laquelle j'ai peu d'inclinaison. Heureusement il y a des artistes qui peuvent "déboulonner des statues" avec intelligence, finesse et humour. La réalisatrice indienne Pallavi Agarwala nous offre ici un beau cadeau plein d'humour en hommage à des personnages statufiés à la gloire de victoires militaires.

Pour chaque statue, elle a mis en scène une attaque abstraite sur un lieu représenté dans une carte postale. L'attaque militaire génère une dégradation de l'image. Une fois la destruction achevée, une salve joyeuse d'applaudissement salue cette belle victoire !

Elle exprime ainsi avec force ce qu'elle a ressenti à Londres où l'on honore les victoires militaires dans les statues de la ville mais sans nous accabler de repentirs mal instruits qui, à force de se répéter, finissent par lasser.

Exemple de dégradation de la carte postale en bandelettes suite à l'attaque militaire.

Image https://www.instagram.com/pallavi.agarwala/?hl=fr


Bien que la dégradation de l'image semble numérique, le procédé utilisé est un procédé "classique" de découpage en bandelette au cutter qui sont ensuite animées image par image.

Les bandelettes obtenues par découpage sont ensuite animées image par image.


La sobriété du son et de la musique instillée avec précision amplifie le caractère comique comme dans les œuvres de Walerian Borowczyk et du tchèque Jan Švankmajer qui ont inspiré la réalisatrice.


En ce qui concerne Borowczyk, Pallavi Agarwala fait référence à " Renaissance" (Walerian Borowczyk - 1964) film réalisé en animation d'objets. On peut aussi penser à "L'encyclopédie de grand-maman en 13 volumes" (Walerian Borowczyk - 1963) où on retrouve plus l'aspect découpage utilisé dans le film.


Pallavi Agarwala nous parle de son film.


On peut voir le film :-) sur :


L'Écrivain aveugle, réalisation Georges Sifianos, France 2021


Georges Sifianos est professeur à l'École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris.

Cinéaste, spécialiste du cinéma d'animation, plasticien, scénariste cet acteur polyvalent s'intéresse au développement de l'art du cinéma d'animation et à la recherche dans ce domaine.


Il nous a récemment régalé avec son travail de recherche sur la frise du Parthénon en mettant en évidence la présence de "sculptures clefs" autant d'images clefs qu'il a animées pour montrer le "mouvement". Nul doute qu'André Martin, qui voyait en les œuvres d'art comme la frise du Parthénon, un media, "une télévision de l'époque", aurait applaudit des deux mains cette démonstration réussie.

Georges Sifianos, récidive ses explorations sur l'animation, cette fois ci en réalisant les dessins d'un film à l'aveugle !

Le principe est simple, Georges Sifianos visualise l'image à dessiner mais ne voit pas le dessin. Des repères tactiles en relief lui permette de se repérer et de gérer ainsi la position des éléments du dessin. Le modèle à dessiner sur l'écran peut être également découpé en zone, visuellement cette fois, pour faciliter la correspondance. Il utilise le sens tactile au lieu de la vue pour réaliser ses dessins. Le résultat nous donne un dessin brut sublimé joyeusement par l'animation image par image.


Image du dispositif de dessin à l'aveugle. Un carton circulaire empêche de voir le dessin. - https://www.unifrance.org/film/54602/l-ecrivain-aveugle


Un dessin brut sublimé par les joies de l'animation image par image. https://www.unifrance.org/film/54602/l-ecrivain-aveugle

voir un test sur vimeo :



Georges Sifianos nous explique comment il a réalisé ce film.


Meneath: The Hidden Island of Ethics - Réalisation Terril Calder - Canada 2021


Terril Clader, dans son film réalisé en objets animés, nous expose les contradictions entre les sept péchés capitaux (luxure, gourmandise, avarice, paresse, colère, orgueil et envie) et les sept enseignements sacrés anichinabés (amour, respect, sagesse, courage, vérité, honnêteté et humilité) qui tiraille une petite métisse.

Cette présentation où la chrétienté est associée au mal et la culture d'un peuple premier au bien, nous donne un réquisitoire glaçant sur l'impact culturel de la colonisation au Canada.




Compositions for Understanding Relationships - Réalisation David Delafuente Etats unis 2021

David Delafuente nous emmène dans une démarche formelle sur les relations sans oublier les doux baisers de deux hommes qui s'aiment. On y retrouve un mélange intéressant de dessins au crayons sur papier et de traitement 2D sur ordinateur.


Voilà une lettre d'amour mêlant graphisme, symboles et une belle animation qui mériterait une interview pour mieux comprendre les nombreux et rapides messages formelles qui ponctuent ce film.



Image : https://middfilmfest.org/portfolio/compositions-for-understanding-relationships/



Rites of Spring Yiorgos TSANGARIS - Chypre - 2021


Après le précédent court métrage, j'ai dû m'enfuir pour me rendre à un rendez-vous. Je ne peux cependant résister au plaisir d'écrire quelques mots sur le très beau "Rites of Spring" qui a suivi et que j'ai pu visionner par la suite.


Le réalisateur Yiorgos Tsngaris rend ici un hommage à la culture chypriote dans un court métrage inspiré d'une nouvelle inachevée qui se composait en 3 tableaux indépendants :

  • la poésie de la vie monastique de la religion orthodoxe,

  • la tradition du pays avec ses mythes et la nature,

  • le théâtre.

Yiorgos Tsangaris nous propose une succession de plans dont les figures colorées sont pour la plupart fixes et sur lesquelles viennent se superposer des motifs souvent abstraits. Le réalisateur qui est également un illustrateur auteur de nombreuses affiches, nous montre un sens du cadre et de la composition.

Affiche de Yiorgos Tsangaris pour le théâtre national de Chypre 2007 - Voir ses affiches sur :


L'animation lui permet de jongler avec différents thèmes religion, animaux domestiqués, animaux sauvages, personnages de théâtres qui se succèdent sans lien directe pour exprimer un monde et ses "rituels" qui disparaissent peu à peu.



Yiorgos Tsangaris nous parle de son film :



Un "Sayat Nova" Animé ?


En regardant ce film, j'ai très rapidement pensé à un film magnifique en prise de vue réelle : Sayat Nova du soviétique de culture arménienne, Serguei Paradjanov (URSS 1969).


Mais pourquoi donc ?


Serait-ce dû :

  • au sens du cadre et de la composition ?

  • au thème de la religion orthodoxe ?

  • à l'attachement profond à une culture qu'elle soit catholique chypriote ou arménienne ?

  • à l'absence de raccord dans le mouvement ?

  • à l'absence de dialogue ?

Pourtant les films sont très différents, l'un est un long-métrage en prise de vue réelle, l'autre un court-métrage d'animation.

Les rythmes de ces deux films s'opposent. Sayat Nova est un film lent où on savoure chaque plan composé pour nos sens. Rites of Spring lui va à la vitesse de l'animation avec un rythme rapide et un fourmillement de signes et d'effets graphiques qui s'accélèrent avec la musique.


Et pourtant on peut apparier ces deux œuvres par leur formalisme, leur amour d'une culture et la volonté d'en offrir la beauté sensible.


Prenez le temps de regarder Sayat Nova de Serguei Paradjanov !


On peut voir un extrait du très beau Rites of Spring sur : https://www.youtube.com/watch?v=xcOAoKkJP9U


Le Prix d'Honneur du Paris International Animation Film Festival 2022


Mais qu'elle était donc ce rendez-vous qui m'a fait manquer "Rites of spring" sur un grand écran ?


Il s'agissait de la remise d'un prix d'honneur du PIAFF 2022 à Marco de Blois conservateur et programmateur à la Cinémathèque québécoise créateur et organisateur du festival International de Montréal " Les Sommets du cinéma d'animation". Le PIAFF a profité de sa présence à Annecy pour lui remettre ce prix.


L'équipe du "Paris International Animation Film Festival", notre bien aimé PIAFF, était presque au grand complet avec Anne Ory, Marie-Pauline Mollaret et Antoine Bieber pour cette remise du prix d'honneur que le festival avait décerné en janvier dernier. Seul manquait à l'appel le truculent et passionné directeur artistique du festival Alexis Hunot.


C'est Marie-Pauline Mollaret qui a prononcé le discours de remise de ce prix d'honneur qui récompense une personnalité marquante dans la promotion du Cinéma d'Animation. Marco de Blois fait partie de ces "passeurs" qui entretiennent la flamme du Cinéma d'Animation et son histoire depuis maintenant un quart de siècle. Marco de Blois, dans le sillage d'anciens, comme Louise Beaudet, travaille inlassablement à la conservation du patrimoine à la Cinémathèque Québécoise, à la programmation éclairée de projections et de festivals et au passage de ce patrimoine à de nouvelles génération grâce aux travaux d'artistes en résidence. Au-delà de ces si précieuses contributions, Marco est une personne "drôle généreuse, passionnée et passionnante" que l'on rencontre toujours avec un plaisir non dissimulable.


Marco De Blois recevant le prix des mains de Marie Pauline Mollaret -(Très belle) Photo de Liliane Tremblay de CTVM.


Le prix d'honneur 2022 du PIAFF : Pellicule peinte à la main pour le film "Sous la canopée" de Bastien Dupriez - 2019. Un petit trésor de plus dans les collections de la cinémathèque québecoise.

Voir "Aérobie" de Bastien Dupriez 2017 film réalisé en résidence à la Cinémathèque Québecoise en 2016 et qui , avec le son et la musique d'Antoine Zuccarelli, nous fait vivre une course cycliste de l'intérieur grâce aux joies de l'abstraction.



Je me joins à l'équipe du Piaff et à Marco pour une photo souvenir de gauche à droite : Clément Martin,Marie-Pauline Mollaret, Marco de Blois, Anne Ory et Antoine Bieber - Photo de Liliane Tremblay de CTVM.


On a eu ensuite le plaisir de déjeuner ensemble rejoint par un autre passionné du patrimoine cinématographique, Jean-Baptiste Garnero chargé d'études pour la valorisation des collections au Centre National du Cinéma et de l'image animée, tout juste arrivé à Annecy pour la présentation de la séance de 19 h 00 qu'il a préparé pour tous les passionnés de l'histoire du cinéma informatique et que j'ai attendu pendant plusieurs semaines avec impatience.


L’officielle 7 : My Love Affair with Marriage - Signe BAUMANE - Lettonie, États-Unis, Luxembourg


Mais avant la séance de 19 h 00 et après un déjeuner avec des passionnés de l'animation rien de tel qu'un long-métrage pour se mettre en jambe.


Avertissement au lecteur : Cet article est rédigé par un mâle blanc de plus de 50 ans, marié avec bonheur depuis 29 ans. :-)

L'auteur présente ses excuses par avance si ses propos de mari, père et grand-père peuvent heurter le lecteur.:-)



Suite à son premier film "Rocks in my Pockets", qui nous montrait les démons des femmes de sa famille qui avaient succombé "à la pression masculine et sociétale", Signe Baumane revient à Annecy pour continuer à régler ses comptes avec le mariage et les hommes dans un nouveau récit.


Toujours avec ce magnifique graphisme qui la caractérise avec un humour remarquable et une approche de comédie musicale très réussie, la réalisatrice nous offre un pamphlet militant sur le formatage culturel que subissent les jeunes filles pour leur inculquer que l'amour, le mariage et un bon mari lui apporteront le bonheur dans la vie.

Le film nous expose les échecs répétés des mariages où chaque homme a un comportement pour le mieux machiste voire franchement minable.

Un cocktail scientifique à base d'hormone accompagne le tout.


Pourquoi pas ?


En dehors de l'aspect désuet de certains clichés, le film est vraiment très réussi.


Mais stigmatiser l'éducation des jeunes filles, les contes de fées, les (complicités avec des) parents ne me parait pas forcément une bonne idée.


A une époque :

  • où on met des messages d'avertissement sur des monuments du cinéma d'animation pour l'enfance,

  • où l'on pourfend les comptes de fées, les poupées et autres princes charmants car symboles de l'asservissement des femmes,

que va-t-il rester aux jeunes filles pour se construire en réaction à l'adolescence si on supprime tous les rituels de l'enfance ?

que reste-t-il pour les jeunes pour affronter les angoisses du monde si on supprime tous les rituels de l'enfance ?

que va-t-il nous rester, nous adultes, si on supprime un à un tous les rituels de notre vie ?


Bravo pour le film qui est à voir ! :-) quelques réserves sur le fond ! :-)



Marcel Jean présente l'équipe du film avec Signe Baumann (et l'interprète en 3e position)- Photo Clément Martin.


Voir la bande annonce du film :


Voilà pour cette 2e partie de cette dense troisième journée du festival.

A suivre la dernière séance qui ne manquera ni de sel ni d'émotion !

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