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  • Photo du rédacteurClément Martin

La Ville à Témoin

Dernière mise à jour : 2 mars 2023



Salon de l’affiche de cinéma


Dans le cadre du festival de Versailles organisé par Charles Ford et la municipalité qui s'est tenu du 12 au 17 novembre 1959 , les journées du cinéma

organisent la 2e exposition internationale des affiches de cinéma. Une quinzaine de pays concourent pour le prix Toulouse Lautrec qui récompense la meilleur affiche. Un article présente l'évènement dans Radio-télé-cinéma (maintenant Télérama) en faisant référence à l'article d'André Martin " La ville à Témoin" .


En Septembre 1959, les "Journées du Cinéma" publient une nouvelle revue trimestrielle "Cinemas" sous la direction de Pierre Philippe.

Ce numéro 1 est consacré à l'affiche de cinéma avec des articles de Charles Ford, Raymond Cid et André Martin qui y présente "la ville à témoin".

Dans son style "imagé", André Martin, nous offre danse cette article une description minutieuse de l’état de l’art historique et de l’époque des affiches de de Cinéma mais la publication n’inclut pas d’illustration. Pourtant son discours, entre affiches commerciales et de création pure, nous offre un panorama graphique gourmand où l’animation, l’innovation technique n’est parfois pas loin.


On ne peut pas résister à emprunter les pas d’André Martin pour illustrer cet article 60 ans après afin de se replonger dans l’univers jouissif des affiches de Cinéma et ses environs.


Dans «La ville à témoin » AM distingue deux catégories d’affiches des destinées à promouvoir les films dans la ville :

  • les affiches étalages, "les plus nombreuses",

  • et les affiches invitations.


Les affiches étalages


Destinées à satisfaire les producteurs, ces affiches "étalent les détails appétissants du produit offert au public" :

  • "fruits de la violence",

  • "splendeurs nouveaux-riches de palais",

  • stars "plus déshabillées que dans le film ",

  • "baisers et visages idolâtrés par le public".

Essentiellement commerciales, ces réalisations ne doivent pas troubler la gourmandise de la clientèle. On y présente « le produit ». Si le style est convenu et sans originalité, le temps leur a tout de même donné une signature, celle de son époque.

Affiches :

  • Le prince et la danseuse 1957 : https://www.pinterest.fr/pin/535576580656653500/

  • le fruit défendu 1952 : https://www.pinterest.fr/pin/118360296442379584/

  • Pandora 1951 : http://blog.costabravas.fr/monument-ava-gardner/

  • des femmes disparaissent 1959 : https://forum.westernmovies.fr/viewtopic.php?t=11353&start=2355

  • Traquenard 1958 : https://moncinemaamoi.blog/2017/04/30/party-girl-nicholas-ray-1958/

  • Le rouge est mis 1957 : https://moncinemaamoi.blog/2017/12/10/le-rouge-est-mis-gilles-grangier-1957/


Les affiches invitations


Heureusement dans quelques grandes occasions, le désir de faire autrement incite des producteurs ou des réalisateurs "en cherchant moins à accrocher le spectateur qu'à élargir le retentissement de l'œuvre et à programmer son ambition ».


Face à cet abandon du « carambolage classique des têtes d’affiches et des petits tableaux caractéristiques », on ne peut que s’attarder pour goûter la variété de ces créations qui élargissent « le retentissement de l’œuvre et proclame l’ambition du film ».


Ces affiches prennent la rue et les spectateurs à témoin des efforts et des risques que prenez des créateurs exigeants avec une conception particulière de l’affiche de Cinéma qui devient progressivement une branche importante de l’imagerie moderne.


En gagnant en valeur artistique, les affiches ne soucient plus de dresser des inventaires aguichants du film annoncé, elles en tirent un symbole, une expression condensée qui par sa lisibilité et son charme ne se révèlent pas moins captivantes.


Ce style progressant, on trouve de plus en plus les deux type d'affiches de cinéma pour un même film, ce qui permet aux exploitants de mieux cibler leur public, « affiche piège à mouches pour les simples dévoreurs de films et celle destinée aux gourmets plus exercées". Cette heureuse cohabitation n’a pour but que de donner l’envie à la ville d’aller au cinéma !



Images :

1 Affiche étalage de « Sois belle… et tais toi » (Marc Allégré 1957) https://www.ecranlarge.com/films/845136-sois-belle-et-tais-toi . Il existe une autre affiche étalage de Jouineau Bourduge.

2 Affiche invitation de « Sois belle… et tais toi » Affiche de Christian Broutin

Collection Geneviève et André Martin : 1959 Radio-Cinéma-Télévision : Article le premier salon de l'affiche de cinéma. Représentation cubiste de Mylène Demongeot.


Voici d'autres affiches invitation pour mieux comprendre leur complémentarité. André Martin y cite d'abord quelques réussites classiques de cette catégorie, pour situer le discours dans l’histoire du Cinéma.


L’estampe de l’arroseur arrosé de Marcelin Auzolle en 1896, pour le cinématographe Lumière.

Image : https://www.le-courrier.ch/le-palais-lumiere-raconte-lepopee-du-cinematographe/


L’affiche de la roue d’Abel Gance réalisée par Fernand léger en 1922.

L'affiche de Metropolis réalisé en 1927 par Boris Bilinsky costumier, chef décorateur et affichiste, d'origine russe. L'affiche est une peinture réalisée par l'artiste allemand Heinz Schulz-Neudamm à l'occasion de la sortie du film en 1927. Elle fait partie d'une série de quatre peintures encore en circulation.

Image : https://www.telerama.fr/cinema/metropolis-l-affiche-la-plus-chere-de-l-histoire-du-cinema-de-nouveau-aux-encheres,83691.php


L'affiche invitation de la "Belle et la bête", créée par Jean Cocteau en 1949, comparée à l'affiche étalage d'origine en 1946.


Affiche étalage d'origine à la sortie du film en 1946 : https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/03/21/26010-20170321ARTFIG00284--la-belle-et-la-bete-de-cocteau-le-point-de-vue-humain-est-totalement-absent-selon-le-figaro-de-1946.php

Affiche invitation de Jean Cocteau pour le festival du Film Maudi dessinée en 1949 : https://movieposters.ha.com/itm/movie-posters/fantasy/la-belle-et-la-bete-discina-1946-french-grande-4575-x-6225-jean-denis-malcles-artwork/a/7162-86440.s


André Martin cite encore pour le Royaume-uni, le film Hue and Crye avec « un style d’affichette qui combinait la typographie et la naïveté de l’estampe populaire grâce au talent d’Edward Bawden. »

Ou encore « l’excellente affiche invitation des diaboliques » qui « a fait son petit effet sur les Champs-Élysées sans qu’une critique majeur ou un spectateur éclairé reconnaisse les attributs précis d’une des scènes culminantes du film ».


Œuvre d’art à part entière, combinant graphismes, typographies et messages formels, l’affiche invitation et leurs auteurs sont proches du cinéma d’animation. Des illustrateurs comme les polonais Jan Lenica, Walerian Borwczyk ont pratiqué les deux exercices. L’affiche peut être intimement lié au film également et son générique souvent avec trucages et animations.


Dans cette catégorie, André Martin ne pouvait pas oublier de citer dans son article le maître du générique, « prince de la recherche plastique » l’américain Saul Bass (1920-1996).


En 1953, il démarre un collaboration de 25 ans avec Otto Preminger en pour lequel il crée l’affiche de « the moon is blue ». Le film comporte des dialogues susceptibles de provoquer la censure de l’époque.


Saul Bass conçoit une affiche suffisamment allusives pour ne pas offusquer les ligues de vertu, Bass propose un visuel simple qui le caractérisera : Une couleur de fond un motif noir représentant une simple fenêtre sur le rebord de laquelle deux oiseaux jettent un coup d’œil indiscret derrière le store demi-baissé. Le style Saul Bass est né !


Une autre affiche du film existe. Plus explicite, elle tient plus de l’affiche étalage.

Images :


Suivront, au cours des années 50 les films cités dans l’article d’AM avec toujours ce style remarquable chez Saul Bass avec :

  • « The man with de golden arm » (Otto Preminger 1955) permettant une combinatoire visuelle offrant un peu « d’affiche d’étalage » tout en conservant un style unique réunissant ainsi la synthèse des publics.

Images :

  • « Vertigo » (Hitchcock 1958) où nous allons nous attarder sur le générique qui prolonge l’affiche dans une continuité mathématique.



  • ou encore « Anatomy of a murder » (otto preminger 1959) où les formes simples monochromes d’un corps disloqué annonce la couleur !


Image : https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/saul-bass-l-039-homme-qui-a-revolutionne-les-affiches-et-generiques-de-films-une-exposition-inedite-en-france_3358213.html

« La ville à témoin », l’animation n’est pas loin de l’affiche.


Dès que l’on parle des graphistes et des illustrateurs, l’animation n’est pas loin (cf. 1959 Article d'André Martin " La revanche des illustrateurs" in Bulletin no 4 des Artistes et des Amis du Cinéma D'animation).

Saul Bass, Maître du générique dès les années 50, signera également des œuvres remarquables dans les années 60 et 70 mais, chronologie oblige, limitons-nous pour l'instant aux années 50.

Le générique de Vertigo suffit à lui seul à décrire la créativité de ce graphiste dont le goût pour l’animation, le formalisme, les techniques innovantes et les procédés de création de l'image animée rejoignent intimement la pensée d’André Martin.


La technique au service de la création


Très porté sur les innovations, Alfred Hitchcock demande à Saul Bass d’imaginer un concept pour le générique de son prochain film, Vertigo.


Saul Bass a réalisé ce générique, qu’on présente souvent comme le premier réalisé par un « ordinateur analogique », . Ce générique utilise une machine electro-mécanique qui a été construite par John Whitney (1917-1995) en utilisant un système militaire de guidage de missile de la deuxième guerre mondiale acheté au surplus des armés en 1956.

Cette machine permet de calculer des trajectoires et donc de tracer de magnifiques courbes entrelacées qui ne demandent qu’à être animées.

Cet ordinateur analogique est une machine à dessiner suivie par un système automatique permettant le mouvement d'une caméra autour d'une œuvre. Il est plus précisément composé d'une série de trois tables rotatives, d'un système de caméra et de d'autres surfaces servant à la pré-programmation d'images et de séquences animées dans un environnement aux axes multiples. Lorsque mis en marche, les tables tournaient sur elles-mêmes et simultanément sur d'autres axes en se déplaçant horizontalement devant le champ de la caméra qui pouvait elle-même tourner ou zoomer vers le haut ou le bas. (cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Whitney,_Sr.).



Photographies :

1 John Whitney devant son ordinateur analogique

2 Une image du générique de Vertigo illustrant les tracés obtenus avec le système :

3 Le système de guidage de tirs anti aérien M5 :


Où l’animation et ses techniques immergent le spectateur en osmose avec la musique et les images pour le capter dans le film dès son générique.

Le sublime générique de Vertigo où la musique de Bernard Herrmann, les trames dramatiques d’Hitchcock et les constructions de Saul Bass atteignent ensemble une intense osmose musicalo-scénaristique qui nous plonge intensément dans le film dès les premières images. Partant du visage et de la rétine d'une actrice (Kim Novak ?), il nous transporte dans un tournoi de spirales kaléidoscopiques qui bien que d’origines analogiques sortent tout droit d’équations mathématiques de calcul de trajectoires et préfigurent, étonnamment pour l'époque, l'imagerie par ordinateur à venir vingt ans plus tard.



Avec une parfaite compréhension de l’œuvre, Saul Bass annonce au spectateur les grands thèmes du film : le vertige, la chute, à la perte de contrôle …. mais rien n’est annoncé, tout est suggéré créant un certain malaise prenant chez le spectateur qui l’immerge instantanément dans l’univers angoissant et vertigineux du film.


« Une atmosphère de l’étrange créée simultanément par une partition musicale consubstantielle aux images : cordes, harpes ou flûtes jouent un arpège de six notes ascendantes et descendantes répétées et fluctuantes dont le leitmotiv produit un effet hypnotique de fuite tourbillonnante, lourdement ponctué de cuivres qui introduisent une dramatisation inquiétante et lugubre ».


Avertissement de l'auteur : Attention, si vous regardez le générique de Vertigo, vous aurez une envie irrésistible de le voir ou le revoir ! L'auteur décline toute responsabilité sur l'addiction qui pourrait en résulter. :-)


J'aurai l'occasion de revenir sur l'œuvre de Saul Bass, qui non seulement a produit de nombreuses affiches de film dans un style graphique qui lui est propre, des génériques invitations et qui a réalisé avec brio toute une déclinaison de produits remarquables, originaux (affiches, génériques, pochettes de disques, objets), dont le graphisme conserve encore aujourd'hui une signature forte et originale qui marque l'histoire du cinéma ... et de la télévision. Cette force de création au service des médias rejoint là encore la pensée d'André Martin dans une approche multi support des médias, de leurs messages et de leur impact sur "les communications sociales".


La ville en est témoin, la promotion du cinéma par ces affiches fait appel a des talents exceptionnels qui animent le sens de l'œuvre cinématographique et des médias.


Post-scriptum :

Ceci était un Article Invitation : C'est à se demander si ce sujet ne mériterait pas quelques "bulles de rêves" entre amis de l'animation et de tous les cinéma. :-)



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