Métamorphoses progressives dont on suit fasciné les itérations. Image : https://tadar.net
Titre original : Tunable Mimoid Réalisation : Vladimir TODOROVIC Pays : Australie Année de production : 2020 Durée : 06 mn 51 s Réalisation : Vladimir TODOROVIC Production : HOOPSNAKE STUDIO, Vladimir TODOROVIC Musique : Brian O'Re
Chaque année la programmation du programme "off-limits" du festival d'Annecy nous propose une petite perle surprenante de court-métrage. L'année dernière nous avions eu l'hommage surréaliste du Polonais Marcin Gizyck (avec Wieczór -(Sunset) de Marcin Gizyck) au réalisateur de films d'animation et peintre polonais Zenon Wasilewski.
Cette année nous avons encore été gâtés avec un programme où l'on retrouve notamment le lauréat du prix André-Martin du court-métrage Ismaël Joffroy-Chandoutis pour Maelbeek sur lequel j'aurai l'occasion de revenir dans un prochain post.
Tunable Minoid se présente comme un film didactique nous exposant avec le plus grand sérieux trois expériences scientifiques réalisés sur ces mystérieux minoïdes. Dans ma grande naïveté et sans doute pour mon intérêt pour l'imagerie scientifique, j'y ai cru. Et ce même si une des expériences utilisant les "rayons gamma" m'a intrigué car cela ressemblait à une référence aux bandes dessinées de science-fiction de chez Marvel du début des années 60 où le sympathique professeur Banner se transformait en Hulk suite à une exposition à ces rayons.
Le film déroule sobrement trois expériences où les mimoïdes sont exposés à des radiations et ondes électromagnétiques. Les minoïdes répondent à ces sollicitations en se métamorphosant lentement en formes graphiques tridimensionnelles fascinantes. S'agit-il d'organismes primitifs qui grouillent et se multiplient ? de chaires vibrantes excitées, de galaxie lointaine en pleine explosion déroulant des filaments incandescents ? Mystère, mais les images sont sublimes !
Explosions biologiques ou galaxiques ? Image : https://tadar.net
Chaires excitées par les radiations ? Image : https://tadar.net
Organismes primitifs en développement ? Image : https://tadar.net
Malgré mon petit doute, j'avais hâte de me renseigner sur ce film pour en savoir plus. Quelle fût ma déception, en lisant les articles de Marie-Pauline Mollaret et Nicolas Thys, pour apprendre que c'était un faux documentaire animé sur une parodie d'expérience scientifique. :-)
Un peu honteux de ma naïveté, j'ai quand même été content d'apprendre que ce court-métrage rend hommage au roman de science-fiction de Stanislaw Lem (un autre Polonais ...), Solaris qui date de 1961 et donc de la même époque que mon petit doute ! :-)
Comme l'année dernière avec Sunset de Marcin Gizyck (qui n'a pas eu le prix) on se retrouve dans un film qui s'enracine dans des références à un créateur et une œuvre plus ancienne.
Dans le roman Solaris de Stanislas Lem, Solaris est une planète recouverte par un océan qui laisse apparaître à sa surface des formes géométriques étranges , qui semblent manifester les signes d'une certaine intelligence. Les messages que cet océan envoie aux héros explorateurs de ce roman sont interprétés et matérialisés par ceux-ci dans un référentiel qui leur est propre organisé autour de leurs fantasmes, de leurs craintes ou de leur terreur. Cette parabole de la communication explore les principes et les effets de la communication entre deux univers étanches qui ont chacun leur référentiel et qui communique dans un dialogue récursif où chaque acteur de cette communication déforme et adapte le message.
Ce roman de science-fiction se distingue par un discours scientifique et métaphysique parfois abscons qui a fait l'objet de nombreuses analyses parmi lesquelles l'intéressante : Solaris de Stanislas Lem - la modélisation mathématique et la récursivité dans la figure de la communication impossible de Véronique Tremblay.
Mais revenons au film et son auteur qui rend hommage à ce roman. Vladimir Todorovic travaille à base de langage informatique et conçoit des "systèmes génératifs" qui produisent ces formes étranges en métamorphose. Ses programmes produisent des "structures narratives" qu'il appelle des "generatives movies". Ces projets sont régulièrement exposés dans des festivals des expositions ou à des symposiums internationaux sur l'Art Electronique.
D'un point de vue technique ces images sont animées par programmation en 3D :
Itérations récursives où les fonctions, médiateurs indéterminés, interprètent message et effectuent des modifications de l'image ? où l'implémentation et la technique illustrerait la parabole de la communication avec ses fonctions qui interprètent les messages dans leur propre référentiel ?
Images obtenues comme des phrases issues de motifs de base (alphabet) puis transformées par une grammaire et ses règles de production (phrase = image) ?
Images fractales ?
Utilisation du hasard ?
Pour l'instant il faudra se contenter de ces interrogations en attendant d'avoir des précisions (investigation en cours).
Finalement mon acquisition naïve mais jubilatoire durant la projection répond aux objectifs du film : j'ai interprété ces troublantes métamorphoses dans mon référentiel. Me voilà rassuré.
Il me reste à lire Solaris de Stanislaw Lem cet été et à revoir le plus vite possible le très beau Solaris d'Andreï Tarkosky (1972).
A lire :
Article de Marie-Pauline Mollaret sur le programme off-limits : https://www.ecrannoir.fr/2021/06/16/annecy-2021-une-selection-off-limits-politique-et-rejouissante/
Article de Nicolas Thys sur le programme off-Limits : https://revue24images.com/festival/festival-dannecy-2021-jours-5-6-deja-la-fin-des-retrouvailles/
Solaris de Stanislas Lem - la modélisation mathématique et la récursivité dans la figure de la communication impossible de Véronique Tremblay. Presse de l'Université du Québec. https://www.erudit.org/fr/revues/tce/2002-n68-tce607/008249ar.pdf
A voir :
Voir des films de Vladimir Todorovic sur : https://vimeo.com/tadar
Vous pouvez y voir :
The Running Nude (generative VR experience) pour illustrer la variété des projets de Vladimir Todorovic sur le cinéma expérimental. Etre en immersion dans un film expérimental ça fait envie ! :-)
Voir Silica-Esc (2010) pour mieux appréhender les "Generative Movies" :
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